Extrait
« L’activité d’un chercheur, c’est, pour une grande part, choisir une question, expérimenter, étudier de cas particuliers, choisir un cadre de résolution, modéliser, énoncer de conjectures, prouver, définir, changer éventuellement la question initiale ... Les savoir-faire associés, que nous qualifierons de transversaux (pour les distinguer des savoirs notionels), sont constitutifs de la démarche scientifique, ils sont nécessaires pour faire des mathématiques et ne peuvent être réduits à des techniques ou à des méthodes. Ils ne peuvent non plus être contraints par le temps (aucun chercheur n’est capable de dire comment et quand il aura résolu le problème sur lequel il travaille).
Il est largement admis dans notre communauté que l’enseignement en France ne prend pas réellement en charge ces savoir-faire. Depuis de nombreuses années, en tant qu’enseignante et didacticienne, j’ai pu vérifier que la plupart des étudiants en sciences (L1, L2, master2 de didactique) et beaucoup d’étudiants en mathématiques (L3, PLC, master1) ne possèdent pas ces savoirs et savoir-faire de base. Leur rapport aux mathématiques est très éloigné de celui du chercheur, comme l’atteste des expressions fréquentes à tous les niveaux d’étude, face à un problème qui leur semble « ouvert », telles celles-ci :
Je ne sais pas résoudre ce problème, je l’ai jamais rencontré
Je ne sais pas faire, je ne connais pas la technique
Le problème est mal posé, on n’a pas toutes les hypothèses
A quel chapitre il se rattache, ce problème ?
Les attitudes correspondantes vont de l’incapacité à initier la résolution ou tenter de se faire une idée du problème (par exemple, en expérimentant, ou étudiant des cas particuliers), jusqu’au refus de s’investir dans le problème (« si je n’y arrive pas en 5 minutes, je n’y arriverais jamais » déclare un enseignant de mathématique !).
On peut donner une explication plausible à ces affirmations et attitudes, qui interpelle le contrat didactique usuel dans tout l’enseignement : la quasi totalité des problèmes que les élèves et étudiants ont à résoudre en classe – et donc que les enseignants font résoudre à leurs élèves - sont rattachés à un chapitre, avec pour objectif essentiel l’application d’un théorème, d’un algorithme ou d’une technique. Et lorsqu’il est demandé de « démontrer que », toutes les hypothèses et seulement celles-ci sont données.
Ces constats nous conduisent à nous interroger sur la capacité des étudiants à résoudre un problème « nouveau », pour lequel on ne dispose pas d’une technique connue et immédiatement disponible et qu’on ne peut « rattacher » à aucun théorème ou cadre théorique connus : autrement dit, sur leur capacité à « faire vraiment des mathématiques ». »
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Dernière mise à jour : mercredi 14 avril 2021