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Publié : 21 septembre 2014

Mancalas au Zaïre, Rwanda, Burundi

En 1977, les Cahiers du Cedaf présentaient une étude très complète des différents Mancalas joués dans les ex-colonies belges.

Le terme Mancala est un terme générique désignant l’ensemble des jeux dans lesquels les joueurs sèment des graines dans des cavités, le but étant, en général, de capturer les graines de l’adversaire. Ce sont des jeux à deux joueurs et à information complète [1] et à ce titre ils peuvent être classés avec le jeu d’échec, de go,... Leur distribution géographique est très large (de l’Indonésie, aux côtes nord-est du Brésil) mais c’est en Afrique qu’on rencontrera le plus de variantes (plusieurs centaines).
Le mancala le plus connu est l’Awélé qui est la variante ivoirienne.

Ce document du Cedaf [2] est assez difficile à trouver et n’est actuellement pas disponible sur Internet [3]. L’Urem a pu mettre la main sur un exemplaire et le met à disposition des visiteurs du site au format pdf.

Les jeux de Mancala au Zaïre, Rwanda, Burundi

L’auteur, Philip Townshend, est un anthropologue qui s’est intéressé aux jeux à travers les âges, les peuples, les civilisations. Dans les années 70, il enseignait à l’Université Nationale du Zaïre (actuellement RDC) et à l’ISP [4] de Kisangani.

La classification de Townshend est basée sur le type de tablier [5] : à deux ou quatre rangées [6]. Mais cette classification tient aussi compte des distributions géographiques et ethniques des variantes. Des cartes et un index des ethnies citées sont fournis en annexe. Il est à remarquer que la répartition des variantes et les similitudes entre variantes de régions voisines intéressent les anthropologues. Ils peuvent ainsi relever d’éventuels indices sur les échanges entre peuples voisins.

La classification doit aussi tenir compte du mode de capture des graines : parfois les graines sont prises et déposées sur le côté, parfois elles changent de camp et parfois encore le but n’est pas de capturer mais de fermer les cases de l’adversaire dès que certaines conditions sont remplies (on y place alors une feuille ou un papier).

Toutes les variantes de cette vaste région d’Afrique Centrale sont des variantes à semis enchaînés [7] contrairement aux variantes d’Afrique de l’Ouest (Awélé) où les semis sont simples. Dans un semis simple, on puise les graines d’une case et on les sème une à une jusqu’à la dernière dans les cases voisines. Dans les semis enchaînés, si la dernière graine tombe dans une case non vide, on prélève toutes les graines de cette case et on enchaîne le semis jusqu’à ce qu’on tombe sur une case vide. L’enchaînement des coups rend les calculs plus complexes mais aussi plus riches et plus imprévisibles.

La précision de Townshend en étonnera plus d’un. Ainsi, au sujet du Mbelele, jeu atypique et très original (décrit p.16), il est précisé que ce jeu est joué dans la région occupée par les Manga (Mba) entre les km 17 et 118 de la route Kisangani-Buta... On ne mettra pas en doute ces données si on se rappelle que l’auteur était enseignant à Kisangani.

Les mancalas, c’est de maths ?

Cette question est souvent posée lorsque qu’on traite de cette famille de jeu. Il faut être particulièrement prudent lorsqu’on tente d’y répondre.

Reprenons un des arguments de P.Townshend, p68 :

De nombreux obervateurs de l’époque coloniale prétendaient que le Mancala était un exercice mathématique, un jeu de calculs. Ceci n’est pas tout à fait exact. L’aspect de calcul ne manque certes pas, mais c’est un calcul qui n’a rien de consciemment arithmétique. Le même observateur qui parlait de capacité arithmétique niait souvent plus loin que les Africains en possédaient, sans s’apercevoir qu’il se contredisait. La rapidité du jeu exclut de toutes façons des calculs compliqués [8].

Cela dit, l’avis de l’anthropologue n’est pas celui du mathématicien et la pratique du jeu ne doit pas être confondue avec l’étude théorique du jeu.

Depuis les années 70, de nombreuses études ont été consacrées aux Mancalas. Un ouvrage incontournable pour tout enseignant est certainement "Wari et Solo" de A.Deledicq et Popova (1977). Ce travail présentait l’état, à l’époque, des recherches par une équipe de mathématiciens et d’ethnologues de l’Université Paris 7.

Un ouvrage qui s’intéresse plus à la pratique et à la psychologie du jeu est : Stratégie des joueurs d’Awélé, Jean Retschitzki, L’Harmattan, 1990.

Les semis infinis

Toujours vers la même époque, un professeur Ougandais de l’Université de Kampala, remarqua que sur la place du marché, un joueur s’était lancé dans un semis interminable [9]. En repassant par là, quelques heures plus tard, le professeur remarqua que le même joueur était toujours embarqué dans le même semis ! La question était posée : existe-il des semis infinis et si oui, comment les caractériser ?

Des réponses sont apportées à ces questions dans :

Computer Board Games of Africa (Algorithms, Strategies and Rules), Professor Johnson Ihyeh Agbinya, University of Western Cape, 2004.

Ce document n’est apparemment plus disponible sur Internet. L’équipe de l’Urem dispose cependant d’un exemplaire papier de ce travail très fouillé.

Page 40, on y trouve énoncées des conditions suffisantes pour qu’un semis soit infini pour un tablier à 16 cases [10].
Ce résultat (2001) est dû à Steven Meyer (Professor of Physics, Milwaukee School of Engineering, Wisconsin USA).

Voici l’énoncé des critères de Meyer, il s’agit d’un ensemble de quatre conditions suffisantes (quatre non-congruences) qui doivent être simultanément vérifiées.

Pour se faire la main...

Les amateurs et les curieux découvriront les mystères des semis enchaînés, des cases pivots (inversion du sens du semis) et des captures en jouant à l’Igisoro (variante rwandaise) en ligne.

Documents joints

Notes

[1Toute l’information est disponible à tout moment pour les deux joueurs

[2Les Cahiers Africains ont succédé aux Cahiers du Cedaf qui ont existé de 1971 à 1992

[3Google Books et L’harmattan proposent cependant d’autres numéros des cahiers du Cedaf

[4Institut Supérieur Pédagogique

[5Support du jeu dans lequel sont pratiquées des cavités pour déposer les graines, généralement en bois, mais pas toujours

[6Il existe des tabliers à trois rangée en Ethiopie (variante Gabata)

[7C’est aussi le cas en Afrique de l’Est

[8Dans la tradition, on répond extrêmement vite au coup (semis) de l’adversaire. Si on tarde à répondre, on a perdu !

[9Les semis sont enchaînés dans cette région

[10typiquement, la moitié d’un tablier classique à 4 rangées (Igisoro, Mweso, Bao,...)